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jeudi 1 novembre 2018

L'éclatement des forces belligérantes...


L’unité initiale mais apparente de la rébellion n’a pas tardé à se lézarder. Rassemblement hétéroclite d’anciens mobutistes, de Tutsis du Kivu, de politiques stipendiés par le Rwanda ou l’Ouganda, de militaires en mal de reconversion et d’aventuriers de tout poil, la rébellion est totalement dénuée d’idéologie. Étant donné qu’elle n’existe que grâce aux deux pays voisins qui ont présidé à sa naissance, elle dépend étroitement de l’état de leurs relations. La discorde croissante entre Museveni et Kagame à propos de la politique à tenir au Congo ne pouvait qu’entraîner son éclatement [Leloup, 2003.]. Une première scission se produisit en mai 1999 : le RCD-Goma, sous la présidence d’Émile Ilunga, demeura d’obédience rwandaise tandis que le RCD-Mouvement de libération (RCD-ML ou RCD-K) avec son président Wamba dia Wamba établit sa base à Kisangani en se plaçant sous la protection de l’Ouganda. À l’automne de la même année, Jean-Pierre Bemba créa une rébellion dissidente, le Mouvement pour la libération du Congo (MLC) [de Villers, 2001].

Les chefs de ces rébellions, loin d’être des inconnus, ont en général une
expérience politique ; la plupart ont occupé des postes dans l’administration ou les gouvernements de Mobutu. Ils sont issus de cette classe politique formée dans les universités d’Europe ou des États-Unis qui a toujours joué un rôle important dans la vie publique zaïroise. Ils savent tous ce que prédation veut dire. Les rébellions ne sont pas dirigées par des aventuriers mais par des hommes d’expérience, des intellectuels, des héritiers. Le président du MLC, par exemple, est le fils de Bemba Saolana, qui fut un des hommes les plus influents du Zaïre.

Bemba Saolana a construit sa réussite économique à.... Pour ces hommes issus du sérail, mobutistes par conviction ou opportunisme, Kabila faisait tache. Un rustre dont le Che lui-même avait dit qu’il aimait trop l’alcool et les femmes. Son assassinat, le 16 janvier 2001 (comme celui de Savimbi deux ans plus tard), allait éclaircir l’horizon après une période de flottement où l’on s’interrogea sur la signification du choix d’un de ses fils, Joseph Kabila, pour lui succéder, et sur les capacités de celui-ci à gérer une situation pour le moins délicate. Depuis deux ans et demi, Kabila fils, sans faire de bruit, semble être parvenu à redonner à l’État un minimum de fonctionnalité. Une chose est sûre, la vie quotidienne à Kinshasa s’est normalisée, les tracasseries permanentes des « forces de l’ordre » de la fin de règne de Mobutu ne sont plus qu’un mauvais souvenir.

Une des réussites politiques de Joseph Kabila est d’avoir repris pied dans l’est du Congo en enfonçant un coin entre les rébellions respectivement acquises à Kigali et à Kampala. Le RDC-ML est désormais allié de Kinshasa. Tout cela peut paraître bien compliqué et l’est sans doute, mais la géopolitique ne se résout pas en quelques banalités simplificatrices fondées sur la révélation d’un deus ex machina providentiel. Une seule chose semble incontestable : la tension ne cesse de monter entre les deux alliés de jadis devenus rivaux pour le contrôle des ressources de l’est du Congo, ce qu’est venu à nouveau confirmer la dégradation de la situation en Ituri au printemps 2003.

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