Pour
comprendre l’aspect systématique, méthodique, des tueries, il est nécessaire de
se situer dans une perspective régionale : Rwanda, Burundi, Ouganda et
Kivu fonctionnent de manière interactive. Qu’il s’agisse du génocide rwandais,
ou de la guerre civile congolaise, l’histoire procède par ricochets en se
jouant des frontières.
La
question du génocide est de ce point de vue très démonstrative. Les autorités
de Kigali qui en ont fait leur fonds de commerce tiennent à affirmer son
exemplarité et son caractère unique. Les seules victimes dignes de compassion
seraient celles des tueries de 1994, les autres n’ayant droit qu’à l’oubli.
Il est peu probable que ce traitement différencié de la mort permette un deuil collectif qui supposerait une absolution sans distinction d’appartenance ethnique, condition d’un apaisement durable des relations entre des communautés meurtries. Le génocide n’est que le moment exacerbé des massacres qui rythment l’histoire régionale des violences entre Hutus et Tutsis depuis le déclenchement de la « révolution sociale » rwandaise [Reyntjens, 1994].
Le Burundi n’a pas été épargné, il détenait même jusqu’en 1994 le record macabre des violences interethniques. Souvent présenté comme le « faux jumeau » du Rwanda, il présente une structure démographique et sociale comparable à celui-ci. Dans les deux pays, la population compte approximativement 85 % de Hutus et 15 % de Tutsis, le groupe twa, d’origine pygmée, représentant à peine 1 %
L’appartenance ethnique est devenue une question taboue....
Le renversement de la hiérarchie des pouvoirs au Rwanda, les massacres et l’exode qui l’accompagnèrent eurent comme conséquence une réaction de défense des Tutsis burundais. L’exemple du pays voisin les conforta dans l’idée que le contrôle du pouvoir politique et militaire était leur seule chance de survie. Cette dynamique conduisit aux massacres de 1972 qui firent, selon les sources, entre 100 000 et 200 000 victimes et décimèrent l’élite hutue. Le pays était à nouveau déchiré par des massacres interethniques en 1988.
Il est peu probable que ce traitement différencié de la mort permette un deuil collectif qui supposerait une absolution sans distinction d’appartenance ethnique, condition d’un apaisement durable des relations entre des communautés meurtries. Le génocide n’est que le moment exacerbé des massacres qui rythment l’histoire régionale des violences entre Hutus et Tutsis depuis le déclenchement de la « révolution sociale » rwandaise [Reyntjens, 1994].
Le Burundi n’a pas été épargné, il détenait même jusqu’en 1994 le record macabre des violences interethniques. Souvent présenté comme le « faux jumeau » du Rwanda, il présente une structure démographique et sociale comparable à celui-ci. Dans les deux pays, la population compte approximativement 85 % de Hutus et 15 % de Tutsis, le groupe twa, d’origine pygmée, représentant à peine 1 %
L’appartenance ethnique est devenue une question taboue....
Le renversement de la hiérarchie des pouvoirs au Rwanda, les massacres et l’exode qui l’accompagnèrent eurent comme conséquence une réaction de défense des Tutsis burundais. L’exemple du pays voisin les conforta dans l’idée que le contrôle du pouvoir politique et militaire était leur seule chance de survie. Cette dynamique conduisit aux massacres de 1972 qui firent, selon les sources, entre 100 000 et 200 000 victimes et décimèrent l’élite hutue. Le pays était à nouveau déchiré par des massacres interethniques en 1988.
Si
les Tutsis du Burundi pensaient se prémunir des ambitions politiques des Hutus
en éliminant leurs élites, ils ne firent qu’approfondir le fossé de la méfiance
entre les deux communautés. Cette méfiance s’est traduite par la création de
partis politiques ethniques : face à l’UPRONA (Union pour le progrès
national), principal soutien des Tutsis, les Hutus se retrouvent dans le
PALIPEHUTU (Parti pour la libération du peuple hutu). Les violences burundaises
ont naturellement eu un écho au Rwanda : les exhortations de Radio Mille
Collines à exterminer la « vermine » se référaient aux massacres
perpétrés par les Tutsis du pays voisin pour étayer leur propagande.
L’assassinat en octobre 1993 de Melchior Ndadaye, premier président hutu du Burundi démocratiquement élu mais éliminé par des militaires tutsis quelques mois après son élection, ne pouvait qu’alimenter le cycle infernal de la peur et de la haine dont ni le Rwanda ni le Burundi, territoires interactifs, ne parviennent à s’extraire [Vidal, 1995].
L’assassinat en octobre 1993 de Melchior Ndadaye, premier président hutu du Burundi démocratiquement élu mais éliminé par des militaires tutsis quelques mois après son élection, ne pouvait qu’alimenter le cycle infernal de la peur et de la haine dont ni le Rwanda ni le Burundi, territoires interactifs, ne parviennent à s’extraire [Vidal, 1995].
Après
l’attentat du 6 avril 1994, qui donna le signal de départ du génocide, le
Rwanda sombra dans l’anarchie. Massacres d’un côté, avancée rapide de l’APR de
l’autre : dès juillet, l’Armée patriotique rwandaise s’emparait de Kigali.
Les Forces armées rwandaises, pourtant dotées d’un abondant matériel par la
France et supérieures en nombre, s’effondrèrent devant l’habileté tactique
d’une armée motivée qui ne lésina d’ailleurs pas sur les massacres de
populations civiles au fur et à mesure de sa progression. L’APR profita
naturellement du fait que les militaires français et belges, au terme de leurs
missions, avaient quitté le territoire rwandais. Les soldats de l’ONU eux-mêmes
quittaient Kigali au moment où la catastrophe humanitaire devenait imminente.
Cette démission de la communauté internationale restera une tache sur
l’Organisation des Nations unies. Elle signifiait qu’on abandonnait à leur sort
des millions d’êtres humains, comme si l’on considérait inutile de s’opposer à
la fatalité, à l’inéluctable. Il est vrai que dans le même temps l’ONU avait
fort à faire dans l’ex-Yougoslavie, et que le Rwanda, alors à peu près inconnu
du grand public des pays du Nord, ne représentait pas un réel enjeu
géopolitique : il a fallu le génocide pour qu’une large couverture
médiatique révèle au monde son existence en même temps que le drame qui s’y
déroulait.
La
conquête du pouvoir par le Front populaire rwandais (FPR), la débandade des FAR
accompagnée d’un exode massif des paysans hutus, l’intervention française
(opération Turquoise L’opération
Turquoise, dans le cadre d’un mandat de...) qui permit aux FAR de se
replier sans trop de dommages au Zaïre, eurent pour conséquence de déporter la
guerre au Kivu [Pourtier, 1996].
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