Jeannette 32 ans :
« Pour lutter contre le VIH, la haine n’est pas un bon moteur. »
Jeannette« Je suis séropositive depuis l’âge de 20 ans. Pour moi, il est important de témoigner, non seulement parce que l’image des femmes séropositives reste associée à la toxicomanie et à la prostitution, mais aussi pour mon fils, pour qu’il n’ait pas honte de sa séropositivité. J’ai été contaminée pendant ma grossesse par un conjoint qui était dans le déni total de sa maladie. Je ne lui en veux pas : je l’ai quitté, mais je garde le souvenir d’une histoire d’amour. Et puis il faut de l’énergie pour lutter contre le VIH, la haine n’est pas un bon moteur…
Mon fils Rémy est donc né infecté. Il a commencé le traitement avant même l’âge de 1 an. Et quel traitement ! Les médicaments pédiatriques sont extrêmement pénibles à prendre, peu pratiques, certains sirops sont amers, il faut parfois broyer les cacher pour arriver à une dose adaptée. Par moments, Rémy craquait. En 2003, son virus étant devenu résistant aux médicaments, mon fils allait de plus en plus mal. Il n’y a pas de mots pour décrire cette angoisse-là. Les médecins ont fini par trouver un traitement adapté. Aujourd’hui, il a 12 ans, il va bien, mais j’appréhende l’adolescence. Comment sa santé va-t-elle évoluer ? Va-t-il protéger ses partenaires quand il aura une vie sexuelle ? J’aurais besoin d’en parler avec d’autres parents, mais dans ma campagne les associations sont inexistantes ! Heureusement qu’il y a Internet…
Longtemps, je n’ai pas pu imaginer avoir un autre enfant. Impossible de dépasser cette perspective de la mort. Au bout de sept ans, ce désir-là est revenu. Les médecins me le déconseillaient plutôt. De plus, les centres d’aide à la procréation, ouverts aux séropositifs pour les aider à faire un bébé sans risques, sont rares, et les listes d’attentes longues. Mon ami, séronégatif, et moi avons donc conçu notre enfant normalement. Un coup de poker, un tabou, mais c’est comme ça. Le bébé n’a pas été infecté, et notre fille est née en bonne santé. La majorité des gens ne savent pas qu’une femme séropositive peut avoir des enfants séronégatifs. On nous prend encore pour des irresponsables, des égoïstes qui fabriquent de futurs orphelins…
Mais, en France, la prévention du virus de la mère à l’enfant est efficace. Si on est bien suivie et à temps, le risque de transmettre la maladie est d’environ 1%. Pour éviter d’être jugée, j’ai caché ma grossesse à tout le monde. J’ai accouché par césarienne, ma fille a pris de l’AZT au biberon, et je ne l’ai pas allaitée. Par la suite, j’ai repris un traitement qui m’a fait terriblement maigrir. À l’époque, les dosages étaient très mal adaptés aux femmes. J’étais si faible que je ne pouvais plus m’occuper de mes enfants. Alors, j’ai misé sur mes défenses immunitaires, et arrêté les médicaments, tout en conservant un suivi médical. Aujourd’hui, je suis d’accord pour reprendre le traitement si besoin. J’ai même commencé à travailler, pour la première fois de ma vie, à 32 ans ! Il est vrai qu’il y a douze ans, l’insertion professionnelle des séropositifs n’était pas une priorité, puisque nous étions censés mourir dans les plus brefs délais. Je suis encore là, mon VIH aussi. Alors je profite du présent, en faisant attention à ma santé. Mes enfants ont besoin de moi. »
Prenez grand soin de vous
0 commentaires:
Speak up your mind
Tell us what you're thinking... !